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  • Photo du rédacteurJean-François Grard

L'aventurier du désert - Cyril Desprès

Dernière mise à jour : 26 juil. 2021

L'aventurier du désert, un portrait entre passion, aventure et transmission.


Le récit posté ci-dessous s'inspire librement de l'entretien mené par Charlotte avec Cyril Desprès. Si vous désirez écouter cet entretien, vous pouvez le retrouver ici


Les récits de cette collection s'inspirent des entretiens passionnants menés par @Charlotte Desrosiers Natral dans son podcast 'Pourquoi pas moi?', podcast que vous pouvez retrouver ici.


@PourquoiPasMoi-Lepodcast vous offre des #interviewsinspirantes où des personnes qui ont un jour rêvé changer de vie, ont osé écouter leur petite voix pour franchir le pas.


Je remercie Charlotte de m'avoir donné l'autorisation de m'inspirer de ses entretiens.


J'avais 13 ans quand j'ai enfourché ma première moto. Je suivais le fils d'un ami de mon père et je voulais faire comme lui. Son père m'a alors déniché une moto qui trainait je ne sais plus trop où. J'y ai mis tout mon argent de poche. Ca faisait déjà quelques temps que je me passionnais pour ce monde-là, et j'y prenais pied. J'ai commencé par faire de la moto de trial, apprenant comment dépasser ou contourner des obstacles, que ce soient des rochers, des troncs d'arbres ou tout autre chose.


J'étais un bricoleur. L'école, ce n'était pas vraiment ce que j'aimais. La moto, elle, c'était une passion. Je voulais en faire mon métier. J'ai alors entamé une formation en alternance, passant un ou deux jours à l'école et le reste du temps, dans un atelier, à apprendre tout ce que je pouvais en mécanique. J'ai vite trouvé ma place dans l'atelier, et j'ai rapidement acquis la confiance de mon patron, au point que pendant ses absences, je prenais la tête de l'atelier, responsable d'une équipe de mécanos souvent plus chevronnés que moi.


Et le soir, je rêvais, quand les clients amenaient leurs motos en réparation, en préparation, et nous comptaient leurs aventures en pleine nature, ou au milieu du désert, leurs bonheurs et leurs galères. J'ai fait de leurs rêves un objectif. Et je voulais me donner les moyens d'en acheter une. La passion pour le désert est née de ces discussions, comme mon besoin d’en apprendre toujours davantage en mécanique.


Mon patron me faisait tellement confiance, qu'il m'a proposé de le remplacer sur un raid en Tunisie. Il me prêtait la moto, et quelques bidons d'huile. Je devais me débrouiller pour trouver de quoi payer les frais d'inscription. Je me suis débattu et j'ai trouvé suffisamment de partenaires pour y participer. C'était mon premier rallye, et je l'ai terminé à la treizième place. C'était pour moi la première fois que je mettais les pieds en Afrique, découvrant ses dunes et ses habitants. Une expérience incroyable qui m'a donné l'envie d'en découvrir encore plus sur ce continent et de rejoindre Dakar à partir de Paris.


Le rallye Paris-Dakar. Pour pouvoir y participer, il me fallait récolter près de 15000 euros. Avec un de mes amis, nous avons décidé de vendre des bouteilles de vin dans lesquelles nous avions investi, fait des colis pour les fêtes de fin d'année, fait un peu de bénéfice pour pouvoir réaliser ce rêve. Cette année-là, le rallye partait de Dakar et traversait d'Ouest en Est tout le continent africain pour rejoindre Le Caire et ses pyramides. Nous avons bouclé le budget juste avant Noël et il ne me restait que quelques jours pour terminer les préparations nécessaires à un tel périple.


C'était une aventure exceptionnelle. Nous passions des heures, tous les jours, sur la moto, et le soir au bivouac, je devais encore m'afférer autour de la moto et la remettre en ordre pour le lendemain. En tant que mécanicien, je savais prendre soin de ma moto, et je savais comment la ménager pour ne rien endommager. Je faisais également attention de me ménager moi, quand il le fallait. J'ai terminé cette édition en tant que troisième pilote français, ce qui m'a amené des opportunités pour l'avenir.


J'avais fait de la moto mon métier, avec la détermination nécessaire pour y arriver. Je ne m'attendais pas pour autant à devenir pilote professionnel. Je ne connaissais rien aux contraintes et à ce que ce métier demandait en terme de préparation. A la suite de ma première participation, je suis entré dans une écurie en tant que mécanicien. Je ne savais pas ce que mes capacités me permettraient mais j'ai ouvert cette porte à fond, sans me mettre les barrières que certains se mettent, attendant que quelqu'un les ouvre pour eux.


Le rallye suivant, je l'ai abordé en tant que porteur d'eau pour les pilotes officiels d'une écurie allemande. J’étais là pour les aider s’ils rencontraient des soucis au cours d’une étape, pour leur permettre de remplacer des pièces cassées, ou réparer leurs motos en attendant le bivouac du soir. Ces histoires de casses, de moments où un bon mécano pourrait leur permettre de gagner du temps, et parfois, remporter la victoire, je les avais entendues pendant des années à l’atelier.


Cette année-là fut une hécatombe parmi les pilotes officiels de l’écurie, minée par les blessures et les abandons. Si bien qu'après une semaine, j’avais changé de rôle. J'avais l'autorisation de jouer ma carte personnelle avec, comme objectif, une victoire d’étape. Ma deuxième place lors d’une étape m’a donné des ailes et j’ai remporté ma première victoire d'étape quelques jours plus tard. Mis sous les projecteurs, j’allais pouvoir vivre ma passion. J’ai ainsi signé comme pilote officiel pour une marque autrichienne.


Je découvrais un autre monde: le soutien médical, technique, diététique d’une grosse structure, tout en restant mon meilleur soutien. Parce qu’au milieu du désert, quand une tempête pointe au milieu d’une étape, je restais le seul à pouvoir me sortir de la situation. Je m’appuyais dans ces moments sur des techniques apprises pour me recentrer, comme la sophrologie par exemple.


En vingt participations au rallye, je n’ai abandonné qu’une seule fois, à la suite d’une chute : luxation de la hanche. Ca reste la seule fois où je ne suis pas arrivé au bout du Dakar. Ce jour-là, des pilotes sont passés près de moi et ont pu activer ma balise de détresse, permettant à l’assistance de me retrouver rapidement. J’ai appris, à la suite de cette chute, que je devrais accentuer ma préparation physique pour encore mieux encaisser les longues distances.


Au quotidien, lors du rallye, je parcourais plus de six cents kilomètres avec l'envie d'arriver au bout de chaque étape et de la gagner. Je devais éviter de nombreux obstacles, dépasser d'autres pilotes, gérer mes réserves, pendant les dix-sept jours ou plus que comptait le rallye.


J'ai gagné ce rallye plusieurs fois. Cependant, la première victoire fut très douloureuse. Nous étions à la bagarre avec mon mentor, un ami, celui qui m'avait pris sous son aile. Il avait remporté deux fois le rallye. A l'arrivée d'une étape, j'ai appris qu'il était tombé, sur la piste, et qu'il ne s'était pas relevé, que je ne le reverrai plus, ni en Sardaigne, ni au Maroc, ni ailleurs. J'étais profondément touché par son décès, et je me suis promis de remplir cette promesse que nous nous étions faites de remporter le Dakar. Je devais faire abstraction de toutes ces émotions, de tous ces moments d’égarement, rester sur la moto pour arriver au Lac Rose.


Première victoire, prime de victoire. J'ai confié cette prime à l'école qu'il avait fondé à Dakar. Je voulais ainsi apporter ma pierre à cette aventure humaine qu'il avait initié. Offrir la possibilité à une centaine d’enfants d’aller à l’école. Aujourd'hui encore, j'essaie que cette école continue d'exister. Ma fille en a fait le sujet d’un de ses exposés à l’école. Nous avons mis en place un parrainage entre son école et l’école sur place. Nous voudrions que la moitié des enfants soit parrainée. Nous avons également réalisé un livre racontant mes victoires, pour ramener de l’argent et leur permettre d’apprendre, de recevoir une éducation.


La moto, j'ai eu la chance de la découvrir jeune, et que mon talent m'y ait permis d'y exceller. Je fait partie des pilotes qui ont gagné ce rallye. J'ai toujours voulu bien faire, maitriser ma conduite, et voulu me dépasser pour y arriver, pour moi. Mon envie de gagner a toujours été plus forte que ma peur de perdre, je voulais que ça marche, je voulais exceller dans ce que je faisais. Après cinq victoires, j'étais rassasié, j'ai souhaité passer à autre chose.


Je maitrisais les difficultés de ce rallye, et je voulais m'y essayer en auto. J'ai rejoint rapidement un team connu. J'étais doué en moto, mais je ne savais pas quel était mon niveau en auto. J'ai passé quelques tests et j'ai convaincu. J'ai appris les rouages de la conduite auprès de mes coéquipiers de talent, en suivant leur trace, en abordant à la même vitesse qu'eux les différents virages que nous abordions. Je suis devenu un bon pilote également.


J'avais cependant d'autres priorités dans ma vie. Je voulais voir grandir mes filles et la conduite auto me demandait un plus grand investissement personnel que pour la moto. J'ai ressenti le besoin de ralentir pour pouvoir être plus proche d'elles. J'ai alors fait un pas de côté et rejoint une écurie qui avait pour but de former de jeunes pilotes, avec qui je pourrais partager mon expérience. J'ai vécu une nouvelle expérience sur le rallye. Je voulais prendre le temps et me mettre au bord de route, mais j'ai finalement accompagné ces jeunes pilotes pour les entourer. Il restait un baquet et j'avais besoin d'un copilote. J'ai alors appelé, Mike Horn, ce fameux aventurier qui m'avait un jour confié qu'il souhaitait participer au rallye.


Quand je l'ai appelé, il se trouvait au milieu d'une expédition qui l'avait guidé jusqu'au cœur de la banquise. Il était intéressé par l'idée de participer au rallye pour partager son expérience. Mais il devait dans un premier temps arriver au bout de son périple dans ce désert blanc.


Nous avons vécu les 8000 kilomètres en riant de nos aventures et de nos difficultés. Nous avons crevé, nous nous sommes perdus et nous avons surtout appris l'un de l'autre et donner le meilleur de nous-même. Nous sommes deux aventuriers de l'extrême et nous souhaitons partager nos expériences avec des jeunes, les amener avec nous dans d'autres aventures pour leur permettre de comprendre comment chacun fonctionne, les aider à être bons dans ce qu'ils font, à être les meilleurs.


Tout au long de ce chemin, j'ai toujours été bien entouré, par mes potes, ma famille, mes parents, ma femme. J'ai pu m'entrainer dur pour mener à bien mes aventures et revenir vivant à la maison.


J'ai découvert le désert, je l'ai traversé. Il a été mon premier adversaire et je l'ai toujours respecté.


J'ai créé ma propre chance, j'ai semé, j'ai récolté. Elle arrive de partout, et de n'importe quelle manière.

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