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Photo du rédacteurJean-François Grard

La mue du Dauphin - Marianne James

Dernière mise à jour : 26 juil. 2021

La mue du Dauphin, un portrait entre voix, audace et opportunité.


Le récit posté ci-dessous s'inspire librement de l'entretien mené par Isabelle avec Marianne James. Si vous désirez écouter cet entretien, vous pouvez le retrouver ici


Les récits de cette collection s'inspirent des entretiens passionnants menés par Isabelle Layer dans son podcast 'Viser la lune', podcast que vous pouvez retrouver ici.


Viser la Lune - Le podcast vous offre des interviews inspirantes où des personnalités partagent, en toute intimité, les (més)aventures qu'elles ont vécues sur le chemin de leurs rêves. 


Je remercie Isabelle de m'avoir donné l'autorisation de m'inspirer de ses entretiens.



« Encore !!! Encore !!! Encore !!! ».


Vous applaudissez à tout rompre, vous hurlez au plaisir de m’avoir revue. Vous pleurez à ce récital que je n’avais plus joué depuis 30 ans.


J’avais mis ce costume de côté. Je l’ai ressorti de sa malle. Je l’ai dépoussiéré. Je lui ai donné une nouvelle vie. Je voulais voir si je pouvais endosser à nouveau ce rôle qui m’avait tant collé à la peau, ce rôle qui m’avait révélé à vous. Je ne souhaitais pas faire un come-back. Je voulais simplement raviver des souvenirs. Les vôtres, mais aussi les miens.

Je vous vois devant moi, je ressens l’émotion que cela génère. Ce plaisir immense, cette intensité. Vous ne m’avez pas oublié, je le sens si bien. Je n’ai rien oublié non plus. Je souhaiterais tellement vous en parler. Remercier ceux qui m’ont accompagnée sur ce parcours. Ceux qui m’ont fait naitre à qui je suis.


Mes parents en premier lieu. Nous vivions dans une petite ville du Sud. Ils tenaient une pâtisserie. Que d’odeurs, que de goûts. Mon enfance. Ils avaient également au fond d’eux cette générosité et cette touche qui faisaient de leur nougat un art. Et de temps en temps, quand ils se le permettaient, elle prenait le temps d’enchanter notre maison de sa voix qui me plaisait tant, et lui prenait quelques crayons pour donner vie à ses dessins.


Mes parents souhaitaient que ma sœur, comme moi, goûtions à l’art. J’ai pianoté quelques temps, le temps d’un apprentissage qui a tourné court, avant de me lancer sur un instrument qui m’a accompagnée bien plus longtemps. Dans une boutique de la ville se donnaient des cours de guitare. J’y ai appris mes premiers rudiments de jazz, accompagnée par l’un des fils de la maison. Une étoile musicale qui s’est éteinte bien trop jeune mais qui brille encore aujourd'hui dans notre ciel.


Je n’en suis pas restée là. J’avais goût à d’autres découvertes. Le chant, pourquoi pas. Comme maman finalement. J’ai intégré la chorale de la ville. Je m’y suis faite remarquer, par ma justesse, par mon travail, par ma mémoire et ma facilité avec les langues étrangères. J’ai été propulsée soliste. Moi devant, les moineaux derrière.


Ma jeunesse, mon enfance, au rythme de la musique. Une voie toute tracée et un bagage classique et jazz dans la voix.


Pourtant, tout aurait pu s’arrêter après le bac. Fini la musique. Je souhaite quitter la ville et pour cela je désire entamer des études de biologie. Mais d’autres personnes m’ont détournée de ce chemin. Sans quoi, je ne serais sans doute pas devant vous aujourd’hui.

Comme quoi, avoir des anges gardiens qui veillent sur vous et qui voient clair en vous, qui croient en votre potentiel et en votre talent peut vous mener vers un destin auquel vous n’auriez jamais pensé.


Fini la biologie, direction Paris, avec le soutien de mes parents. Je me retrouve dans une ville que je ne connais pas, que je traverse de long en large, loin de chez moi et de mes certitudes. Une fourmilière que je découvre, une vie en parallèle, sur les routes classiques tracées au conservatoire et guitare à la main dans les couloirs du métro. Je suis les cours, je donne des cours, je refuse de me laisser attacher, je veux suivre ma voie. Mais je n’ai personne pour m’aider à pousser les portes que j’essaie d’entrouvrir. Le succès n’est pas encore au rendez-vous.


Le succès n’est-il pas un concours de circonstances, une rencontre qui change tout au moment le moins attendu finalement ?


Le personnage que vous aimez tant est né un soir de représentation, dans les caves d’un ancien monastère, dans une ambiance gothique. Un attrape-touriste qui a façonné cette voix, cette femme à l’accent allemand. C’était le début de ma première aventure artistique. Ce personnage a pris vie sous les notes d’une amie pianiste rencontrée sur les bancs de la Sorbonne. L'animosité travaillée entre eux a donné naissance à ce récital que vous avez revu aujourd’hui. Nos chemins se sont séparés rapidement, mais une autre pianiste l’a remplacée et la tournée a continué. En France, en Suisse, en Belgique. Nous étions acclamées, nous étions aimées. Mais un jour nous nous sommes lassées et notre récital a quitté le devant de la scène.


Vous n’avez pas compris, vous avez été en colère. Vous vouliez la diva et sa pianiste, mais nous nous n’en voulions plus. Nous l’avions vécu à n’en plus pouvoir. Nous les vomissions. Il était temps pour nous de mettre nos costumes dans des malles et de les laisser là pour les années à venir. C’était étrange à vivre. J’étais de toutes les émissions, de Drucker à d’autres. Ou plutôt, la diva était de toutes ces émissions. Mais, moi, où étais-je ?


La transition s’est avérée difficile et douloureuse. Douloureuse parce que j’ai perdu la même année mon père et ma professeure de chant. Difficile parce qu’il a fallu se défaire de la diva pour ouvrir une nouvelle voie. Ou ouvrir la voie aux étoiles de demain, découvrir de nouvelles voix dans un télécrochet qui commençait. C’est impressionnant comme de nombreuses personnes ont tenté, en vain, de me convaincre d’abandonner ce projet, de ne pas jeter mon crédit aux orties. Mais ils ne me connaissaient pas. Et moi, j’allais enfin endosser mon plus beau rôle, être moi.


La première année, j’ai avancé discrètement, sans sortir du cadre de l'émission. Et par après, j’ai déployé mes ailes, emplie d’extravagance et de colère, de perruques et de grandiloquence. Je suis devenue moi. Pendant ce télécrochet, nous avons découvert cet artiste hors du commun, qui vous fait chavirer aujourd’hui. Découvert, non, il était déjà lui. Mis en lumière, sans doute. Ça correspond mieux à ce que j’ai ressenti. Nous étions au sommet, et j’ai décidé de quitter le programme, au plus haut de la trajectoire.


Comme le dauphin, qui va de saut en apnée, j’ai ensuite plongé pour quelques temps, pour bénéficier de l’élan et reprendre un peu d’énergie.


J’ai voulu aller plus loin, vers d’autres choses, d’autres contrées. J’ai testé le théâtre, les comédies musicales, d’autres projets, d’autres domaines. Avoir mon propre spectacle à nouveau, mais qui me mettrait moi, et non pas la diva, ou d’autres, en scène. J’ai écrit d’autres histoires.


Nous avons même monté une pièce pour enfants. Quelle chance, eux ne connaissaient pas la diva. Leur retour était merveilleux, car ils étaient sans filtre, sans regard sur ce que j'avais déjà pu faire.


Et des projets, encore des projets, que j’ai monté seule, ou accompagnée d’autres auteurs talentueux.


Je me suis cassé la gueule, aussi, parce que tout ne fonctionne pas toujours, mais comme l’enfant qui voudrait marcher, et qui tombe sur sa couche, je me suis relevée, pour continuer à aller de l’avant. Et quand il le fallait, quand j’en éprouvais le besoin, je me suis éloignée de la lumière et du bruit, je me suis ressourcée, j’ai repris mon souffle.


Et j’ai à nouveau fait entendre cette voix. Cette voix dont je suis fière et qui résonne encore aujourd’hui pour vous. Cette voix qui vous rappelle qui je suis, qui j’étais, mon parcours. Ce que je vous ai apporté et ce que je compte encore vous apporter.


Je suis là devant vous aujourd’hui pour vous remercier et pour vous dire à bientôt, pour de nouvelles aventures vécues par d'autres personnages.

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