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  • Photo du rédacteurJean-François Grard

Trouver sa place - La Bajon

Dernière mise à jour : 26 juil. 2021

Trouver sa place, un portrait entre abandon , rire comme armure, et débrouille.


Le récit posté ci-dessous s'inspire librement de l'entretien mené par Isabelle avec Anne-Sophie Bajon. Si vous désirez écouter cet entretien, vous pouvez le retrouver ici


Les récits de cette collection s'inspirent des entretiens passionnants menés par #IsabelleLayer dans son podcast 'Viser la lune', podcast que vous pouvez retrouver ici.


#ViserlaLune-Lepodcast vous offre des #interviewsinspirantes où des personnalités partagent, en toute intimité, les (més)aventures qu'elles ont vécues sur le chemin de leurs rêves.


Je remercie Isabelle de m'avoir donné l'autorisation de m'inspirer de ses entretiens.


Comment trouver sa place dans la vie, dans la société ? Franchement, je ne sais pas trop.


Pour moi, ça a commencé de manière abrupte. L’abandon. A la naissance. C’est jeune, non. Oui, trop jeune. Pourtant, pour moi, ça s’est plutôt bien passé. J’ai été adoptée par une famille qui ne pouvait avoir d’enfant. 10 mois. Parachutée dans ma nouvelle famille.

Petite, je ne voulais pas que ça se sache. Je ne voulais pas être différente. Je voulais me fondre dans la masse. Être pareille, identique, avec quelques bronzures sur la peau. Il m’a fallu du temps, pour accepter mes différences, pour les voir comme une valeur. Nous ne sommes pas tous coulés dans le même moule. Finalement, la différence, ça a du bon. Ça permet quelques libertés.


Enfant, je n’utilisais pas vraiment ma voix. Elle restait coincée au fond de ma gorge, même quand je fuyais ceux qui me poursuivaient. Je courais, courais et personne pour me protéger, même dans la cour de l’école. Franchement, pas de chance pour moi. Parce que les adultes, ce n’est pas vraiment mieux que les gosses, parfois, dans une cour de récréation. Pour se faire des coups bas, pas besoin de s’inspirer des gamins. C’est peut-être pour ça finalement, que certaines maitresses sont retournées à l’école. Parce qu’elles pouvaient continuer à se chamailler dans un lieu prévu pour ça. Et comme c’étaient les grandes de la cour de récréation, elles pouvaient y aller pour nous humilier, nous les petites.


J’ai vite compris en grandissant que le rire était et serait ma meilleure armure. Que je pouvais m’en servir pour être heureuse. Je l’ai confirmé en montant sur scène vers 15 ans. J’ai découvert que je voulais être comédienne, même si ma conviction profonde ne rassurait pas mes parents. Pour eux, j’ai mené des études en parallèle, mais d’improvisations en rôles au théâtre, à chaque fois qu’arrivaient les acclamations, je savais que je m’étais trouvée, que j’étais à ma place.


Je me dis que j’ai de la chance de savoir quelle est ma place alors que d’autres cherchent la leur toute leur vie. Quoique le métier de comédien soliste n’est pas simple tous les jours. Tu bosses, mais tu es souvent seul, découragé. Tu t’acharnes ou tu laisses tomber. Quand tu te retrouves devant deux invités dans la salle, ou à faire passer ton chapeau dans un PMU de village, il y a de quoi baisser les bras.


Mais quand d’autres viennent te voir, parce qu’ils ont pu vaincre leur phobie, sortir de chez

eux après des années pour assister à ton spectacle. Pouvoir faire rire une personne qui vient de perdre un être cher n’a pas de prix. Alors, tu souris et tu vas de l’avant. Entendre une personne rire à n’en plus finir dans la salle, ça donne la banane pour quelques heures.


J’ai également rencontré sur ma route des personnes qui m’ont dit de m’accrocher, de croire en moi, qui m’ont dit que personne ne le ferait pour moi. J’ai lutté contre des périodes où le découragement prenait le dessus, où ma carrière restait clouée au sol. Mais mes premières réussites, les premiers retours positifs ont fait que je me suis accrochée à mes rêves.

Il n’y a pas que le rire qui me porte. Pouvoir pleurer devant une salle comble, et arracher des émotions au public qui est devant toi a quelque chose d’extatique.


Pour arriver où je suis aujourd’hui, j’ai dû bosser. J’ai connu bosses, échecs et déceptions. Malgré 3 ans de cours, le tapis rouge ne s’est pas déroulé devant moi. J’ai vécu de petits boulots, j’ai joué quelques rôles dans des petites pièces. Mais je n’étais pas à fond dans ce que je faisais. Ce qui fait que je n’étais pas vraiment bonne. Mon patron de l’époque, pour que je puisse me donner à fond dans ce que je voulais faire, m’a virée. Je me suis retrouvée au chômage.


J’ai alors décidé de tester ce que je voulais proposer, pour petit à petit, donner plus de consistance à mon spectacle. Au début, je n’étais pas vraiment prête. J’y allais à tâtons. Cependant, j’étais prête à me battre, prête à me donner à 200%. Je n’avais pas le choix. Les gens venaient me voir moi, et c’était à moi de leur donner ce qu’ils attendaient. En même temps, c’était fabuleux de savoir que c’était pour moi qu’ils étaient là. Dans une pièce collective, l’attention et l’attente sont diluées. Mais dans un one-woman show, quand je suis seule sur scène, quand tout se passe bien, quand les acclamations s’élèvent, je sais que c’est à moi qu’elles sont destinées. J’en suis le seul réceptacle et c’est indescriptible.


Dans un premier temps, j’ai monté mon spectacle avec une autre fille jusqu’au jour où notre collaboration s’est arrêtée. Aujourd’hui, je fais mon chemin avec un homme avec qui j’ai perfectionné le spectacle. Il a amené un œil extérieur sur ce que je proposais. Il a apporté un équilibre à mes spectacles. Il me fait me remettre en question et m’évite de trop me critiquer.


Et pour le reste, je me débrouille. Je suis multi-casquettes, je suis humoriste sur scène, productrice dans les coulisses. Je choisis où je vais, j’organise ce qui me convient. J’ai mon mot à dire sur ce que je vais dire. Je ne laisse personne me mettre des bâtons dans les roues.


J’essaie de faire passer un message. On est nombreux à monter sur scène, nombreux à devoir se démarquer. Moi, ce qui m’intéresse, c’est de parler de l’actualité, sans filtre. Je ne cherche pas à faire rire à tout moment, mais je me sens bien de pouvoir dire ce que j’ai sur le cœur, de pouvoir dénoncer les failles du système, tout en faisant rire la foule. Je me suis libérée en écoutant mon cœur. Je ne souhaite pas le faire méchamment, et je n’ai pas peur des représailles.


Je ne suis pas encore au sommet. J’ai des réserves pour aller encore plus haut. Je sais que je vais devoir encore prendre des risques, mais ça va m’offrir de nouvelles rencontres fabuleuses. Je cherche sans cesse à me renouveler, pour pouvoir continuellement toucher le public. Je vais sans doute prendre de nouvelles voies, de nouvelles routes. Je vais aller où le vent me mène.


Et je veux y croire parce que personne ne le fera à ma place.

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