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  • Photo du rédacteurJean-François Grard

Etre soi - Jarry

Dernière mise à jour : 26 juil. 2021

Etre soi, un portrait entre authenticité, acceptation et humour.


Le récit posté ci-dessous s'inspire librement de l'entretien mené par Isabelle avec Jarry. Si vous désirez écouter cet entretien, vous pouvez le retrouver ici


Les récits de cette collection s'inspirent des entretiens passionnants menés par #IsabelleLayer dans son podcast 'Viser la lune', podcast que vous pouvez retrouver ici.


#ViserlaLune-Lepodcast vous offre des #interviewsinspirantes où des personnalités partagent, en toute intimité, les (més)aventures qu'elles ont vécues sur le chemin de leurs rêves.


Je remercie Isabelle de m'avoir donné l'autorisation de m'inspirer de ses entretiens.


- « Vivez à fond votre vie, n’attendez pas d’être dans l’urgence, c’est ce que j’ai envie de vous transmettre aujourd’hui. Voilà, le cours se termine ici. Je vous revois la semaine prochaine. Merci à tous. »


Je referme doucement mon livre sur ces quelques mots. Les élèves quittent mon cours. Ce sera tout pour ce soir. Je sais que le théâtre leur permet d’exprimer qui ils sont. En tout cas, c’est ce qui m’a libéré moi.


Un élève resté en retrait s’approche de moi.

- « Monsieur, j’aime votre cours, j’aime ce que vous transmettez. Mais comment avez-vous fait ? Quel est votre parcours ? Comment faire pour s’aimer comme vous le faites ? ».

- « Ah ça ! Tu as le temps de prendre un café ? Que je te raconte tout cela tranquillement. »


On sort du théâtre et on s’installe à la terrasse du café en face. J’adore ce lieu, j’adore mon théâtre.

- « Que voudrais-tu savoir ? »

- « Ce que vous voulez bien m’en dire Monsieur. »

- « J’ai été trouvé dans les vignes, dans cette parcelle que mes parents possédaient. Ils m’ont recueilli et accueilli comme leur fils. J’étais le quatrième garçon de la famille. Ils attendaient une fille, ils auraient pu me laisser là, mais finalement, leur cœur a cédé. »


- « Vrai, Monsieur ? Vous me faites marcher là ? »

- « Oui, tu as raison. Mais c’est ce que je me suis dit pendant longtemps. Que j’avais dû être adopté. Je me sentais tellement différent de mes frères. Je m’entendais avec ma mère, merveilleusement bien. Je restais constamment avec elle à lire, danser et regarder des émissions à la télévision pendant que mes frères partaient dans les vignes ou à la chasse avec mon père. Je me suis construit un monde, tellement différent ».


- « C’est marrant votre histoire Monsieur, ça me fait penser au film ‘Billy Eliott’. Sauf que lui, il n’avait plus sa maman ».

- « Oui, c’est vrai, tu as raison. Pour tout de dire, j’ai fait comme lui. Plutôt que de participer au cours de judo, je regardais les autres danser sur du modern jazz. Et le soir, dans ma chambre, je refaisais de tête tous les pas que j’avais observés. Mon père ne comprenait pas pourquoi je me faisais ramasser chaque mois dans les compétitions auxquelles je participais. Ma mère, elle, l'avait compris, je pense.


J’ai eu comme une confirmation, le jour où j’ai accompagné mes frères pour leur match de football. Je ne suis pas monté sur le terrain, je ne voulais pas, absolument pas. J’hurlais, je pleurais. Ma mère, qui nous accompagnait et qui me connaissait, a remarqué sur le bord du terrain un ensemble de majorettes qui s’entrainaient et m’a proposé de me joindre à elles, pour essayer. Je ne les ai pas quittées pendant des années. Mes frères jouaient et je les encourageais comme je pouvais. »


- « Personne ne s’est moqué de vous, Monsieur ? »

- « Si, j’en ai souffert parfois. Les gosses peuvent être cruels. Ils m’appelaient la majorette. Mais, lorsque j’organisais des fêtes à la maison et que je les animais, ils participaient et me voyaient d’un autre oeil. Moi, je m’éclatais comme un fou et je ne m’inquiétais pas de ce qu’ils pensaient finalement.


Avec le temps, et le recul, je me rends compte qu’il m’a fallu du temps avant d’intégrer cette différence que je portais depuis toujours. Tu sais, j’aime les hommes, et pourtant, j’ai failli me marier. Ce déclic m’a permis de vivre plus pleinement ma vie. »


- « Et vos proches, Monsieur, comment l’ont-ils appris ? »

- « La première personne à qui j’en ai parlé, c’est mon père. Le plus surprenant est qu’on ne s’entendait pas vraiment bien. Pas d’atomes crochus. Mais il était malade, très malade et n’en avait que pour peu de temps à vivre. Je voulais lui annoncer ce que je ressentais avant qu’il s’en aille, construire un pont, qu’il comprenne ma différence et qu’il m’accepte tel que je suis. Ça nous a réuni, trop brièvement sans doute, mais ça a solidifié mon identité. Quand il s’est éteint dans mes bras, quand il a arrêté de respirer, j’ai pleuré sur le temps perdu, sur le temps gâché. J’ai pleuré mon père, et je me suis juré de vivre la vie à fond. Vivre le présent, sans m’inquiéter du lendemain. Parce que la mort arrive bien trop tôt.

Pour mes frères, et ma mère, ils le savaient, ils s’en doutaient depuis longtemps je pense. »


- « Mais Monsieur, maintenant, vous avez des enfants pourtant ? »

- « Oui, aujourd’hui, mon compagnon et moi sommes pères de deux enfants. Je croyais pourtant que comme homosexuels, nous devions faire une croix sur la paternité. Mais, les choses ont évoluées avec le temps. Une femme, leur mère, les a portés pour nous. Et je l’en remercie, car à chaque fois, quand ma deuxième vient me dire : « Papa, j’ai encore fait une bêtise. », je me sens chanceux, chanceux d’avoir pu m’aimer comme je suis et d’avoir la chance d’aimer mes deux têtes blondes, comme les autres pères.

Mais toi, pourquoi toutes ces questions ? »


- « Parce que quand je vous vois, Monsieur, vous donner et nous donner tellement de joie, nous permettre de vivre tellement d’émotions, j’ai envie d’être contaminé moi aussi par ce virus qui vous rend si heureux. »

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