Les récits de cette collection s'inspirent des entretiens passionnants menés par #IsabelleLayer dans son podcast 'Viser la lune', podcast que vous pouvez retrouver ici.
#ViserlaLune-Lepodcast vous offre des #interviewsinspirantes où des personnalités partagent, en toute intimité, les (més)aventures qu'elles ont vécues sur le chemin de leurs rêves.
Je remercie Isabelle de m'avoir donné l'autorisation de m'inspirer de ses entretiens.
Le récit posté ci-dessous s'inspire librement de l'entretien mené par Isabelle avec Pascal Légitimus. Si vous désirez écouter cet entretien, vous pouvez le retrouver ici
J’ai toujours compris que pour y arriver, il allait y avoir du taf, beaucoup de taf. Mon père me disait de ne pas me reposer sur mes lauriers. Que vu ma couleur de peau, pour avoir un job, ou pour être reconnu dans un métier, j’allais devoir me donner deux si pas trois fois plus que les autres. C’était mon crédo, mais également mon chemin de croix. J’allais devoir porter la croix de mes origines pendant toute ma vie. Il fallait l’accepter immédiatement et faire tout pour qu’on oublie cette faiblesse qui n’en est pas une. Je me bats tous les jours pour être le meilleur dans ce que je fais.
Je ne suis pas arabe, je ne suis pas brésilien, j’ai juste leur couleur de peau. Je suis Antillo-arménien. De mes origines, je connais les douleurs du génocide et de l’esclavagisme. Alors le rejet, je m’en fous un peu
Petit, j’ai aussi connu l’éloignement. Pendant quelques mois, j’ai été hospitalisé dans le sud de la France, une carence dans l’ossature, dans ce qu’il y avait de plus blanc en moi. Nougaro chantait si bien :
« Armstrong, un jour, tôt ou tard, On n'est que des os... Est-ce que les tiens seront noirs ? Ce serait rigolo »
Pendant ces mois éloignés de ma famille, je me suis tu, je suis resté en place, immobile, mutique. Et lorsque je suis rentré, mon frère était né. Il m’avait remplacé, je n’avais plus ma place. C’est là que j’ai commencé à me battre, à vouloir exprimer ce que je ressentais. Pour trouver ma place ? Peut-être.
Tous ces élans, toutes ces mises en scène ont poussé mon père à m’inscrire au théâtre. Je m’inscrivais dans la lignée d’artistes de ma famille. Mes premiers pas sur scène, qui ne seraient pas les derniers. J’ai compris que je pouvais y jouer un rôle, n’importe quel rôle. Sans accent. Mais est-ce que le père de Juliette était noir ? Non, je ne crois pas. Alors même si je donnais le meilleur de moi-même, ces rôles ne seraient pas pour moi. Pousser les portes de l’académie française, impossible. J’avais beau réussir tous les examens. Je portais une peau qui me privait de pas mal de choses.
J’ai appris à en jouer, à la prendre à contre-poil, à la mettre en valeur comme argument de scène.
J’ai lancé quelques spectacles, dans des petits cafés théâtres, avec quelques copains, collègues et parfois amis. J’ai rejoint une émission qui se lançait à la télévision. Et pour une fois, je n’ai pas été mis de côté. J’ai pu me démarquer, enfin.
Et avec plusieurs potes, nous avons lancé notre première troupe, notre quintet, notre quatuor, notre trio finalement, notre marque de fabrique. D’inconnus, nous sommes devenus connus et inversement. Il y a eu les années galères, les spectacles devant peu de monde, et puis le déclic, les rires, les prix, la reconnaissance du public, les retours de la profession, les producteurs qui décident de miser sur nous, et de s’en mettre plein les fouilles. Un peu trop peut-être à notre goût, mais ce n’est pas ce qui nous préoccupe maintenant. J’ai appris de toutes ces années qu’il faut à tout moment se demander pourquoi les autres viennent vers vous. Quelles sont leurs intentions ?
Nous sommes dans l’ascenseur de la célébrité, avec ses joies et ses déconvenues. L’argent qui coule, les filles qui se collent, les nouveaux amis durent à décoller. Les sangsues. Je n’apprécie pas ce côté de la célébrité. Nous réalisons un film qui réalise un très bon taux d’audience auprès du public, mais qui se fait dézinguer par une partie de la faune journalistique. Oui ce qu’on fait peut ne pas plaire, mais dire que ce n’est pas bon, ça passe moins facilement.
Mes comparses surfent sur la vague, réalisent un film et m’oublient, nageant seul au milieu de l’océan. On a fini par se retrouver et on a refait un film. On a retrouvé le plaisir de bosser ensemble et les inconvénients de retrouver tous ces dézingueurs derrière leurs claviers.
Heureusement, j'ai fait d'autres choses sans eux, dès le départ, sur le côté. J’écris des spectacles, je produis d’autres artistes, je mets en scène, je joue dans des séries ou des téléfilms.
Je continue parce que j’ai des valeurs qui m’ont été inculquées. Celle d’être un exemple, celle d’être le soutien. Ma maman m’avait demandé avant de mourir d’être là pour ma famille, et je l’ai été. Je travaille, je bosse, je persévère, j’apprends.
Je sais que je dois rester pragmatique. Que je dois peser le pour et le contre, ne pas me
mentir, ne pas me voiler la face et pouvoir mettre de côté un projet qui n’apportera rien.
Je dois m’armer pour atteindre mes rêves. Mais j’ai l’armure solide.
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