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Photo du rédacteurJean-François Grard

Collection 'Comme un Roman' - Oser

Ce récit est né d'une rencontre avec une personne sortant de l'ordinaire. Je la remercie de s'être confiée à moi, dans un moment hors du temps. Un moment de partage et d'écoute.


Je tiens à la remercier ici de m'avoir fait confiance.


« … Et que ne durent que les moments doux, ne durent que les moments doux. Et que ne durent. Osez ! Osez ! ... ».

Ces mots résonnent en moi depuis tellement longtemps. Ils m’accompagnent au quotidien. Cette carte reçue lorsque j’étais petite et qui porte en elle le chemin de ma vie.

« Oser est encore le meilleur moyen de réussir » disait-elle.

Permets-toi le temps d’une pause.

Comme chaque fois, lorsque la ribambelle quitte mon atelier, je m’assieds, une boisson chaude dans les mains, et je respire les effluves des moments passés à leur côté. Quel plaisir pour moi de leur faire découvrir les goûts et les couleurs de la cuisine d’ailleurs, de toutes ces parties du monde que j’ai découvertes lors de mes voyages en train. Un patchwork de Russie ou d’Afrique. Un déluge musical de notes inspirées de mes périples.

J’ai mis dans leur assiette d’aujourd’hui les saveurs des étendues d’Asie. Je leur ai apporté le plaisir d’un lever de soleil sur l’Himalaya. Je savoure encore leurs cris de joie. Ces étincelles colorées qui pétillaient dans leurs yeux au moment de goûter leur réussite.

Une à deux fois par mois, j’organise ces ateliers pour eux, pour tous ces enfants qui embellissent ma vie. Je leur transmets mes émerveillements. Je leur fais parcourir mon histoire. Cette histoire dont j’essaie parfois de me souvenir. Tous ces écueils que j’ai franchis, ces obstacles que j’ai surmontés pour en arriver là où je suis maintenant. Je sais pourtant que ce n’est qu’une étape dans le reste de mon voyage.

Il y a tellement de projets qui foisonnent en moi.

Là, maintenant, après cet atelier, j’ai envie de me poser, pour retracer un moment tout ce chemin parcouru.

Aurais-je pu croire, il y a trois ans, quand mon corps m’a lâché au détour de vacances désastreuses, que j’en serais là aujourd’hui ? Aurais-je pu imaginer, quand j’ai claqué la porte de cette institution sans âme et sans saveur que je serais maintenant lancée sur les voies de ce qui m’anime ? Aujourd’hui, je vis la transition, je mène une transition. Je souhaite amener mes voyages dans l’assiette des gens. Je souhaite mettre en musique leur alimentation.

Je me rappelle souvent ce repas, mon dernier repas, dans ce restaurant qui me déprimait, avec ces personnes qui ne m’inspiraient rien. Je me souviens m’être promis que ce serait le dernier que je passerais avec eux. J’ai tenu ma promesse. Enfin, mon corps m’y a aidé. Ce jour-là, je n’ai plus pu faire le pas suffisant pour y retourner.

Depuis des années, je n’y trouvais plus la saveur suffisante. Organiser des voyages, des repas, ne m’occupait pas suffisamment pour ne pas imaginer ce que je pourrais bien faire de ce temps perdu. Heureusement, je m’impliquais dans la vie de mon village. Et cela me permettait de trouver du sens à la vie que je menais. J’avais mis sur pied ce réseau qui permettait aux villageois de trouver leur bonheur chez les artisans du coin. J’offrais également aux maraichers locaux la possibilité de faire vivre la communauté. Chacun y gagnait et j’y trouvais énormément de plaisir. Mais, j’y consacrais beaucoup de temps, beaucoup d’énergie. Entre les réunions à mener, à organiser, les nouvelles personnes à rencontrer, les contacts à lier, je m’essoufflais. Sans m’en rendre compte, j’épuisais mes réserves.

Et lorsque la batterie s’est retrouvée totalement à plat, je n’ai plus eu le choix. Et malgré toutes les peurs qui m’assaillaient, j’ai fermé la porte d’une aventure de près de quinze ans dans cette cage dorée qui m’emprisonnait. Était-ce encore une décision insensée ?

Je ne sais pas. J’ai toujours pris des risques que d’autres ne comprenaient pas. J’ai décidé de me lancer dans des aventures sur des intuitions qui pouvaient sembler incongrues. J’ai aimé, j’ai voyagé, j’ai visité, j’ai pris goût à certaines parties du monde. Je m’y suis investie. J’ai fait de nombreux projets. J’ai connu des mésaventures. J’ai connu l’amour et ses voyages. J’ai pris des trains sur des coups de tête.

Je me souviens facilement de ce jour où j’ai voulu réaliser un rêve, rencontrer les hommes bleus du désert, de ce jour où je me suis envolée vers le Sahara. De ce voyage, j’ai ramené un bout de moi. Comme si ce voyage au Mali me permettait de me connecter à mon territoire. Comme si tous les voyages que j’ai faits me permettaient de combler un vide, mais surtout de constituer le puzzle de ma vie. Un puzzle coloré, un puzzle musical. Un paysage grandiose à regarder du fond du jardin. J’y ai aussi trouvé un de mes plus beau rôle. J’y ai endossé mon costume de super-héroïne, de super marraine !

Quand je revois maintenant le chemin parcouru pour mettre en place mes ateliers, pour pouvoir offrir mon goût de l’alimentation aux autres, pour leur permettre de mélanger dans leurs assiettes toutes les saveurs du monde, je ressens un plaisir intense. Aurais-je pu y arriver seule, peut-être, sûrement, avec le temps. Mais chemin faisant, j’ai fait des rencontres, j’ai rejoint des structures qui m’ont permis de mettre en place ce que j’offre maintenant. Pourquoi l’ai-je fait ? Pour avancer, pour me structurer, pour recevoir à certains moments, le coup de pied nécessaire, l’assistance bénéfique de personnes qui veulent vous voir réussir.

Quand j’imagine toutes ces heures passées sur le chemin de l’école pour y suivre à nouveau des cours et légitimer ce que je peux offrir maintenant, je m’applaudis. Malgré ce que j’avais vécu, malgré le peu d’énergie que j’avais, malgré ce burn-out, j’y suis parvenue. Après trois ans, j’y suis arrivée. J’ai dans mes mains ce qu’il me faut pour me lancer.

Quel parcours !

Tu peux être fière de toi. Tu peux prendre le temps de savourer. Cette petite pause est méritée. Par après, tu pourras reprendre le chemin. Avancer. Oser franchir le cap, Oser faire le pas de côté. Oser bondir d’une idée à l’autre, Oser, Oser.

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